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L'actualité de Philippine
8 juin 2011

Santé : le droit à l'objection de conscience réaffirmé

Retrouvez mon article sur Valeurs Actuelles:

http://www.valeursactuelles.com/actualités/société/santé-droit-à-l039objection-de-conscience-réaffirmée20101013.html?sms_ss=facebook&at_xt=4cb57d41a8cb286a%2C0

Bioéthique. Une décision importante du Conseil de l'Europe.

Jeudi 7 octobre 2010, le Conseil de l’Europe était amené à se pencher sur la question de l’objection de conscience pour les professions de santé. A l’initiative d’un groupe de parlementaires socialistes emmené par la député britannique Christine McCafferty, le Conseil était en effet amené à voter un projet de résolution et de recommandation intitulé « Accès des femmes à des soins médicaux légaux : problème du recours non réglementé à l’objection de conscience ». L’objectif : limiter l’objection de conscience des soignants, c’est-à-dire le fait que des médecins ou des infirmières puissent refuser de participer, par exemple, à un avortement ou à l’euthanasie, dans les pays où sa pratique est légale. Mais au contraire des attentes des auteurs de cette initiative, la résolution du Conseil de l’Europe réaffirme au contraire le droit à l’objection de conscience. Délégué général de l’Alliance pour les Droits de la Vie, Tugdual Derville revient pour "Valeurs Actuelles" sur les enjeux de cette décision européenne.
 

Quel était l'enjeu de cette délibération ? Trois dispositions principales nous semblaient très dangereuses pour l’objection de conscience, qui est le droit de ne pas pratiquer des actes contraires à sa conscience. En premier lieu : la résolution voulait supprimer le droit à l’objection de conscience « en cas d’urgence ». Or, la notion d’urgence est très sensible : c’est justement dans ces moments d’urgence qu’il faut davantage prendre le temps réfléchir “en conscience” ; on se fait rapidement déborder par l’état d’urgence...
 

Deuxièmement, il était proposé d’exclure de l’objection de conscience les soignants qui participent “indirectement” à l’acte. A l’Alliance, nous mesurons ce que l’émiettement de la responsabilité d’un acte entre différents intervenants peut entraîner : des résultats catastrophiques et injustes, sans que personne ne s’en sente vraiment responsable, puisque chacun a apporté une toute petite pierre. C’est le grand risque de la dissolution de la conscience dont l’Histoire a montré des exemples terrifiants. Enfin, la dernière disposition était d’établir des listes officielles d’objecteurs, c'est-à-dire des listes de soignants qui font valoir leur clause de conscience. L’établissement de telles listes est très dangereux : c’est une porte ouverte à la discrimination à l’embauche ou à des brimades professionnelles. Nous constatons déjà que la pression contre l’objection est forte au sein de certains services médicaux.
 
Quelle est la portée de la résolution finalement adoptée ? Les parlementaires ont déposé 90 amendements, qui ont complètement modifié le texte d’origine, jusqu’à son titre. Le droit plein et entier à l’objection de conscience est finalement réaffirmé. Assez solennellement, le texte dit aujourd’hui : « Nul établissement ou personne ne peut faire l’objet de pressions, être tenu pour responsable ou subir des discriminations pour son refus de réaliser, d’accueillir ou d’assister un avortement, une fausse couche provoquée ou une euthanasie, ou de s’y soumettre, ni pour son refus d’accomplir toute intervention visant à provoquer la mort du fœtus ou d’un embryon humain, quelles qu’en soient les raisons. » Nous avons donc assisté au Conseil de l’Europe à véritableretournement en faveur du droit à l’objection de conscience et une déroute pour ceux qui entendaient le limiter.
 
Cette résolution règle-t-elle tous les problèmes ?
 Nous avons constaté que l’exercice de la clause de conscience est très difficile pour les soignants, alors même qu’elle est reconnue par la loi. Le Conseil de l’Europe a permis de délier les langues. L’Appel « Sauvons l’objection de conscience » que nous avons lancé sur Internet a recueilli 26 000 signatures en moins d’une semaine, dont celle de plus de 4 500 soignants : les témoignages reçus nous ont confirmés dans cette inquiétude. Des soignants nous ont confié avoir été bridés dans leur carrière ; d’autres nous ont rapporté que leur chef de service affirmait qu’il n’embaucherait plus un candidat qui ferait valoir sa clause deconscience, sous prétexte que cela “complique la vie du service”. D’autres encore se sont sentis forcés d’accomplir des actes qu’ils ne voulaient pas accomplir... Même pour le refus de commettre des actes illégaux comme l’euthanasie, des soignants nous ont expliqué avoir été punis !

Pour nous, l’urgence est donc de rendre moins théorique la clause de conscience des soignants. Nous voulons aussi aider certaines professions à obtenir l’application de la clause de conscience alors qu’elles n’y ont pas droit pour l’instant. C’est le cas des pharmaciens, confrontés à la diffusion de produits abortifs. 
 
Ce débat est finalement emblématique d’une sorte de bras de fer : face à ceux qui tentent de faire “rentrer dans le rang” les professions de santé en étouffant leur liberté de conscience, nous prônons le maintien et même l’élargissement de la clause de conscience. Notre président, le docteur Xavier Mirabel, conteste notamment l’idée que le soignant devrait être une sorte de prestataire de service public répondant aux injonctions de l’Etat ou même de ses patients. Car la mission du soignant est d’être au service de la santé des personnes, pas de toutes leurs demandes.

Nous constatons ici un clivage majeur entre deux conceptions de la médecine. La première prive les médecins de leur liberté en les soumettant soit à l’Etat (vision “administrée”) soit à des clients (vision libérale). La seconde reconnaît que les professionnels de santé ont une mission propre, qu’ils gardent la responsabilité de discerner ce qui est juste et ce qui ne l’est pas. Mais la question de l’objection de conscience est finalement renvoyée à chaque citoyen (fonctionnaire, enseignant, journaliste etc.), et nous devrions tous reconnaître que, dans une société humaine, la liberté de conscience ne souffre aucune exception. 

Propos recueillis par Philippine de Maigret

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